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UN DIVORCE

dans son monologue intérieur : celui de Nancy, celui de Montpellier. La première de ces Universités l’intéressait par l’originalité des recherches psychologiques qui s’y poursuivent. Dans la seconde enseigne l’illustre clinicien de l’hôpital Saint-Éloi, l’auteur des Limites de la biologie, dont la doctrine, si contraire aux siennes, avait toujours exercé sur elle une fascination de curiosité. Elle se figura son arrivée dans l’une ou l’autre de ces deux villes, qu’elle se représentait d’après les souvenirs de Clermont et de sa province, avec des places solitaires, de l’herbe entre les pavés des ruelles. Il y aurait, parmi les gens qui la connaîtraient, un étonnement d’abord autour d’elle qui serait sans doute la seule étudiante, puis une malveillance quand ils découvriraient l’existence du petit Claude. — On devine d’après quel autre célèbre physiologiste elle avait appelé son enfant. — Qu’étaient ces mesquines difficultés, auprès de ce supplice : voir Lucien la mépriser entre ses bras ?… Cette image fit tout d’un coup point d’arrêt en elle, et elle sentit que sa résolution était prise… Oui, elle partirait, et sans retard. Si elle voulait vraiment se sauver de cette chute dont elle éprouvait à la fois l’horreur et le vertige, leur entretien de la veille devait, comme elle l’avait dit, avoir été le dernier. — Pourquoi ne pas disparaître le jour même, quitte à charger quelqu’un de préparer son déménagement, la veille concierge, par exemple, qui lui servait de femme de ménage ? Elle reviendrait, dans un mois, enlever ses meubles, quand Lucien la croirait définitivement en allée… Où ?… Elle trouverait le moyen qu’il ne pût pas le savoir… Que ferait-il alors ? Toute la volonté de la jeune fille se tendit à ne pas