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UN DIVORCE

d’étudiant à étudiante, que j’avais formulé dès la seconde fois que nous avons causé ensemble ?… Je me rappelle si bien cette minute ! J’étais tellement attirée vers vous et si résolue à ne plus vous revoir, au cas où vous me feriez la cour !… Vous ai-je laissé me la faire ?… Et toutes ces preuves de ma loyauté, toutes ces évidences dont vous ne pouvez pas douter cependant : — que j’ai un caractère, des idées, une conscience, — rien n’existe plus, rien, rien ! Vous ne m’accordez pas le crédit de vous dire : Cette femme qui me parle, et qui se reconnaît responsable de certains actes, est pourtant la même que j’estimais assez tout à l’heure pour ne pas admettre qu’elle eût commis ces actes, malgré le plus accablant témoignage. C’est donc que ces actes n’ont pas signifié, qu’ils ne signifient pas pour elle ce que j’ai cru qu’ils signifiaient… Hé bien ! oui, je les ai commis. Oui, je me suis donnée à un homme. Oui, je suis devenue mère hors du mariage, et je n’ai pas cru manquer à un devoir. Je ne crois pas, à l’heure présente, que j’y aie manqué… Agir comme on pense, c’est mon seul principe, et, même alors, alors surtout, je n’ai pas agi autrement que je n’ai pensé… »

— « Ce n’est pas vrai, » répondit le jeune homme durement. « Vous n’avez pas pensé qu’une jeune fille avait raison de manquer à l’honneur. »

— « J’ai pensé, » répliqua-t-elle, non moins durement, « et je pense encore qu’un homme et une femme n’ont besoin pour s’engager l’un à l’autre, et pour fonder un foyer, ni d’un prêtre qui les bénisse, ni d’un magistrat qui enregistre leur engagement. J’ai pensé et je pense encore qu’un vrai