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BRIGITTE FERRAND

soupçonner la Vérité ! Chez Mme Monneron, les domestiques ne duraient guère. D’habitude, le maître du logis, fidèle au principe optimiste de « prendre les choses par le bon côté », s’accommodait des nouveaux visages qui se succédaient dans son service avec une philosophie qui lui manqua ce matin-ci. Il trouva à cette Pauline, grande et forte créature édentée, une mine de maison centrale, et il frissonna d’horreur à l’idée que cette gourgandine avait pu être la complice du roman criminel de Julie. En même temps, l’irritation dont il sentait sa femme possédée à son endroit, redoublait sa tristesse. Il y voyait une preuve trop indiscutable de cette partialité envers Antoine qui avait été un des éléments de la perte du frère et de la sœur. L’un avait été trop et mal aimé par cette mère impulsive, l’autre trop peu. Enfin la seule présence de Jean évoquait trop vivement, après leur entretien, le souvenir de Ferrand, de l’ancien camarade, toujours détesté depuis tant d’années, jamais comme aujourd’hui. Cette vision du philosophe catholique endoctrinant son fils, essayant de le lui voler, — il traduisait ainsi cette œuvre de propagande par l’exemple, inintelligible à ses préjugés, — fut si odieuse à cet homme aux abois qu’il en aurait crié de douleur.

— « Il faut que je lui rende ces cinq mille francs cet après-midi même, » se disait-il en se levant de table. « Je ne veux pas lui devoir cet argent… Et j’entends aussi lui faire sentir ce que je pense de