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XIII
brigitte ferrand

« Que j’ai eu raison dans mes pressentiments, » se répétait Jean une fois seul, « oui, que j’ai eu raison, quand j’appréhendais de lui montrer mes espérances, mes luttes, mon amour !… Que cette haine pour cet admirable M. Ferrand est profonde en lui ! S’il savait que tout mon rêve de bonheur a été d’épouser Brigitte ?… Il ne le saura jamais. De cela du moins, j’ai le droit de me taire. Pour le reste, je devais parler… À quoi bon d’ailleurs ? Même ces deux horribles drames ne l’ont pas éclairé. Il ne les a vus qu’à travers ses idées. C’est elles qui lui ont dicté des mots si durs, lui, un cœur si généreux ! Reviendra-t-il jamais sur cet implacable arrêt ?… Peut-être. Une fois rendu vraiment à lui-même, la chair et le sang parleront. Mais, dans son esprit, rien ne bougera, parce que rien ne lui arrive… Quand ma mère est rentrée, il n’a même pas senti son injustice, et comme le malheur de Julie comptait peu pour elle à côté de celui d’Antoine ! Qu’elle n’ait pas su faire parler sa fille, c’est une preuve pourtant