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L’ÉTAPE

quand il se décida à répondre, était redevenue presque calme, ou du moins contenue. Cet entretien lui était souverainement pénible, et il voulait le clore par des détails précis, qui ne permissent plus la discussion :

— « Je t’ai dit souvent, » reprit-il, « que si je ne vous ai pas fait baptiser, c’était par respect pour votre conscience, afin que vous fussiez maîtres, une fois en âge, de choisir votre credo en pleine indépendance. La façon dont tu me parles me prouve que tu es tenté d’en choisir un qui n’est pas le mien. Peut-être l’as-tu déjà choisi ? J’en conclus que rien n’empêchait Antoine et Julie de choisir le même. Leur nihilisme, puisque tu prétends qu’ils avaient tiré le nihilisme d’idées dont j’ai tiré, moi, tout le contraire, leur nihilisme donc, n’est pas une excuse à leurs fautes. Ces fautes n’ont pas d’excuse, je te le répète, et j’entends que nous en avions causé aujourd’hui pour la dernière fois. Je ferai pour eux ce que ma conscience m’ordonne, Julie est une femme, et incapable, d’ici à quelque temps, de gagner sa vie. Je lui servirai une pension, un an durant. Après quoi, elle se suffira, comme elle l’entendra. Quant à lui, il n’aura rien. Il est grand et vigoureux. Qu’il travaille de ses mains ou qu’il s’engage. Le métier de soldat est grossier et stupide. Il lui convient. Il obéira comme une brute, puisqu’il n’a pas su se commander comme un homme… Tout cela est arrêté dans mon esprit, dès maintenant. Il reste un point