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L’ÉTAPE

pour la jeunesse. (L’universitaire se croyait énergique en employant cette métaphore et cette formule de l’argot pédagogique de sa jeunesse !) Promets-moi que tu verras Rumesnil aujourd’hui… »

— « Je ne reverrai Rumesnil ni aujourd’hui, ni jamais, » répondit Jean. Il avait trouvé le joint pour dire aussitôt ce qu’il avait à dire, et devant l’étonnement peint sur le visage de son père, il continua : « Non, jamais. Antoine a commis des faux. Il a volé. C’est horrible. Ce n’est rien auprès de ce qu’a fait Rumesnil… Le docteur Graux t’a menti, mon père. Il a dû te mentir, parce qu’il fallait vous ménager, toi et maman, ménager surtout Julie, qui n’aurait pas supporté, dans l’état où elle était hier, d’être amenée ici, ni de vous voir. Moi, je ne te mentirai pas… Julie n’a pas été la victime d’un accident. Elle a voulu se tuer après avoir essayé de tuer Rumesnil. Elle n’a fait que le blesser à la main. Quant à sa blessure à elle, je t’ai dit ce qu’il en était. Le coupable, le criminel c’est lui. Il est son amant. Il l’a séduite. Elle est enceinte, et non seulement il lui a refusé de l’épouser, mais il voulait qu’elle se fît avorter… L’indignation et le désespoir l’ont rendue folle. Elle a voulu se venger et mourir… Tu sais la vérité, maintenant… »

— « Ma fille ! » s’écria Joseph Monneron, « ma fille a fait cela ! Ma fille, un amant ! Ma fille, enceinte ! Ma fille !… Ma… Une tentative d’assassinat ?… Un suicide ?… Voyons, j’ai mal entendu, ce n’est pas possible… » Il passa ses mains sur son