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LE PÊRE ET LE FILS

Qu’il y ait dans la prière un emprunt de force réelle à la source infinie de tout amour et de toute volonté, comme l’enseigne la foi, ou que l’on explique ses résultats, avec les psychologues contemporains, par un simple phénomène d’autosuggestion, il est certain qu’elle raffermit, qu’elle tend les fibres de notre énergie intime d’une façon singulière. Elle nous donne un pouvoir d’endurance que nous ne nous soupçonnions pas. Ce fut le cas pour Jean Monneron, quand, au lendemain de cette nuit ainsi passée, il se retrouva, vers les dix heures et demie du matin, dans l’appartement de la rue Claude-Bernard, en face de son père. Voici dans quelles conditions : — Le docteur Graux était arrivé rue d’Estrées dès la première heure, comme il avait été convenu, pour présider au transport de Julie et à son installation dans la maison religieuse de la rue Oudinot. Là il avait procédé, en présence du frère, à un nouvel examen et conclu de nouveau à un pronostic rassurant. La balle avait bien suivi le tracé diagnostiqué la veille. Aucun organe essentiel n’étant atteint, il avait aussitôt tenté et réussi l’extraction. Dans l’intervalle, et sur le conseil du médecin, le jeune homme avait envoyé un mot à ses parents par un commissionnaire, donnant de la jeune fille les nouvelles les plus satisfaisantes, et disant qu’elle ne pourrait cependant recevoir qu’une personne à la fois, après dix heures. Il avait attendu auprès d’elle jusqu’à ce moment-là, et, un peu auparavant, il s’était retiré au parloir. Il espérait que la