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L’ÉTAPE

stupeur, il continua : « Je te présente, ainsi qu’a nos camarades, M. l’abbé Chanut qui vient ici comme notre invité… Vous entendez ce bruit ? Il se prépare une manifestation. Dois-je vous rappeler les statuts, que nous avons tous signés, et l’article par lequel nous nous sommes reconnus solidaires les uns des autres, dans le Comité, sauf à démissionner ? Y en a-t-il un devons qui veuille démissionner maintenant ?… Il pourra prendre part à la manifestation hostile. Sinon, il est engagé, sur sa signature, à s’associer à nous pour la réprimer… »

Il y a dans toute affirmation d’une personnalité forte, lorsqu’elle est très nette et qu’elle pose les problèmes sans aucune équivoque, une suggestion impérative qui s’impose aux pires hostilités. Des trois membres du Comité de l’Union Tolstoï qui avaient voté contre la conférence de l’abbé Chanut, un seul, il est vrai, avait machiné le tumulte de ce soir, Riouffol. Les deux autres, Marius Pons et Boisselot, ne s’y étaient associés qu’indirectement, par l’abandon de leurs cinquante lettres d’invitation entre les mains de l’ouvrier relieur. Mais, sachant l’usage qu’il en avait fait, ils devaient se considérer comme ses complices. Ni eux, ni Riouffol ne s’étaient attendus à trouver devant eux cet article du règlement, auquel ils n’avaient pas songé, et qui les obligeait à se désavouer publiquement par leur attitude, devant des manifestants qu’ils avaient invités eux-mêmes, — ou bien à jouer un rôle honteux de traîtres et d’hypo-