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LA CATASTROPHE

Monneron, monsieur l’abbé, il cultive volontiers le paradoxe… » interrompit à son tour Crémieu-Dax. Il avait été lui même si étonné des propos de son camarade qu’il l’avait regardé, et, cette fois, il avait distingué en lui les traces d’une agitation inusitée. Il était trop attaché à Jean pour ne pas être inquiet de le voir ainsi, surtout soupçonnant ce qu’il soupçonnait. Mais il était d’abord le soldat d’une idée. Il avait attiré l’abbé Chanut, comme il l’avait dit, dans cette atmosphère de socialisme, avec l’espérance de le conquérir à ses théories, et il estimait fort justement que le plus sûr moyen d’empêcher cette conquête était de donner au nouveau venu la sensation de profonds désaccords entre les membres de l’Union Tolstoï (la bien nommée !). Il appréhendait déjà quelque manœuvre de Riouffol contre la conférence, tout en espérant que l’esprit de groupe paralyserait le relieur. Il ajouta, pour atténuer ce que sa remarque avait de désobligeant pour son ami : « Vous avez là, d’ailleurs, une preuve de ce que je vous ai affirmé, que nous acceptons, à l’U. T., les formes les plus diverses de la pensée… »

— « Et cette tolérance, » dit l’abbé Chanut, « n’est-elle pas une preuve de plus que la Révolution est d’accord avec le Christianisme quand elle est d’accord avec son principe ?… »

— « Je vous répondrai comme vous m’avez répondu tout à l’heure, » fit Crémieu-Dax. « J’accepte la formule avec cette variante : le Christia-