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LA CATASTROPHE

Chanut, « avec une variante : je substituerais l’Évangile aux Prophètes. »

— « Tout ce qu’il y a de valable dans l’Évangile est déjà dans les Prophètes, » reprit vivement Crémieu-Dax. « Le reste n’est qu’une adaptation aux idées du monde gréco-romain. La compilation gnostique attribuée à Jean nous donne un modèle typique de cette déformation. S’il y a un point acquis à la Science, c’est bien celui-là : le christianisme n’est qu’un judaïsme polythéisé. »

— « Je crois en Notre-Seigneur, monsieur, je ne puis donc pas vous suivre sur ce terrain, » répondit le prêtre.

— « Et vous avez d’autant plus raison, » ajouta Jean, qui, dans son état d’irritation nerveuse, avait mal supporté la phrase si brutalement affirmative de son ami, » que la Science n’a rien à voir avec cette hypothèse sur le quatrième Évangile. La Science, c’est, dans l’espèce, la critique. Que nous dit-elle ? Que saint Irénée, dès le second siècle, admettait cet évangile comme authentique. Elle nous dit encore qu’Irénée avait connu saint Polycarpe et Polycarpe l’apôtre Jean. Les relations de ce saint et de l’apôtre sont établies par ce fait que Polycarpe vint à Rome vers 154 discuter la fête de Pâques avec le pape Anicet et apporter le témoignage de Jean. De quel droit nous prétendons-nous mieux renseignés que des contemporains et substituons-nous une interprétation toute personnelle à une donnée aussi nettement établie ? »