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ET NE NOS INDUCAS

sous, plus abominables peut-être que l’opération elle-même, cachait cette recherche de l’opératrice. Rumesnil s’était, en effet, mis en campagne, aussitôt Julie partie. Il avait pensé à une ancienne maîtresse de sa toute première jeunesse, connue dans le Quartier Latin, au sortir du collège, et âgée de trente ans à cette date, qui faisait ses études de sage-femme. Dans ce monde interlope qui hante les cafés de la rue des Écoles et du boulevard Saint-Michel, il se rencontre toujours une demi-douzaine de créatures qui rêvent d’une carrière un peu moins aventureuse, et que la fréquentation des carabins conduit à suivre une clinique d’accouchement. Il arrive qu’une ou deux persévèrent. Est-il besoin d’ajouter que la moralité de leur premier métier les suit d’ordinaire dans le second, et qu’elles deviendront presque toutes des professionnelles de l’affreuse industrie à laquelle Rumesnil se préparait à faire appel ? Il avait cherché dans un Bottin, tout simplement, le nom de cette vieille amie. Il l’avait trouvé, et il s’était transporté immédiatement à son prétendu cabinet de consultation, ignoble officine dont la titulaire lui avait, non moins immédiatement, promis son aide. Il ne restait plus qu’à décider Julie. Il continuait à prévoir une résistance qui ne tiendrait pas, croyait-il, contre l’ensorcellement de ses caresses et de ses promesses. Il ne fut donc pas très étonné de voir un éclair de rébellion passer dans le regard de la jeune fille, qui lui répondit :