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UN CŒUR DE JEUNE FILLE (suite)

secret où avait pu l’entraîner son caractère d’enfant passionnée et délaissée, exaltée et désenchantée, ambitieuse et démoralisée, amoralisée plutôt ; et, lui aussi, pour d’autres motifs, concluait, comme Antoine avait conclu longtemps :

— « Non. Il ne s’est rien passé d’irréparable entre elle et Rumesnil. Elle est trop fière. Il n’y a que des imprudences. Dès mardi, j’y aurai mis lin. »

Ce fut sur cette résolution qu’il se coucha au terme de ce jour, commencé dans un tel orage intime et achevé dans un calme plus menaçant encore. Ce fut sur elle qu’il se releva le lendemain matin. Que d’heures cependant jusqu’à ce mardi, et qu’elles lui parurent longues, à les calculer ainsi par avance, d’autant plus longues qu’il appréhendait toute nouvelle explication avec sa sœur, maintenant ! Il redoutait qu’elle ne l’interrogeât sur son projet et qu’elle n’essayât de l’empêcher de l’exécuter. Il eut cette surprise, pendant ces quatre jours, que Julie l’évita, au contraire, autant qu’il l’évitait lui-même. Cette réserve de la jeune fille aurait dû lui donner beaucoup à penser. Il ne sut pas y démêler sa résolution à elle, qui ne pouvait qu’être précisément le contraire de la sienne. Il était retourné rue de Varenne dès le lendemain, c’est-à-dire le samedi, pour redemander si l’on n’avait pas de nouvelles sur l’heure du retour de Rumesnil. S’étant heurté à la même réponse, que « Monsieur le comte rentrerait mardi », — sans plus, — il prit le parti d’écrire