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UN CŒUR DE JEUNE FILLE (suite)

tales, héritées de sa mère. Ce double atavisme la faisait ressembler à Antoine et à Jean à la fois. Du premier, — la construction forte de son menton et l’ourlet sensuel de ses lèvres détachées en rouge sur son teint pâle le révélaient trop, — elle avait ces appétits plébéiens qui vont si sauvagement à la réalisation de leurs désirs. Paris l’avait désorientée par le mirage de la vie de luxe et de plaisir, enfantinement convoitée aussitôt qu’aperçue. D’autre part, l’inquiétude sentimentale qu’elle avait en commun avec son frère cadet, et qui mettait une noblesse autour de son front et de ses yeux, lui avait rendu cet éveil d’ambition bien funeste. L’intelligence, chez elle, n’avait pas été assez forte pour lui permettre, comme à Jean, d’interpréter son milieu. Elle n’en avait saisi que les insuffisances. Elle avait compris sa famille, assez pour en constater le déséquilibre secret, pas assez pour apercevoir les grandes lois sociales, dont l’incohérente tribu des Monneron était, par cette incohérence même, l’illustration éclatante. Elle avait, chez tous ses parents, méprisé quelque chose : chez son père, cet utopisme niais ; chez sa mère, le désordre et la sottise ; chez son frère Antoine, l’hypocrisie et la vulgarité ; chez Gaspard, l’ignoble tenue et la flétrissure précoce ; chez Jean, l’incertitude et la morbidité. Elle avait donc perdu tout point d’appui dans ce milieu, et, avec cela, aucun frein moral n’avait eu d’action sur cette sensibilité déréglée. Des âmes critiques et ardentes ne se gouvernent point par des for-