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L’ÉTAPE

précise, aurait obtenu de ce cœur si malade. Elle ajouta : « Ne m’as-tu pas dit que tu avais trouvé à emprunter cet argent ?… » Et, redevenant maîtresse de sa voix et de ses gestes : « Nous la paierons à nous deux, cette dette. Je travaillerai, je gagnerai de l’argent… »

— « En effet, » reprit Jean, « j’ai la somme. Les cinq mille francs seront restitués à Rumesnil dès son retour, mardi… La personne qui me les a prêtés m’a donné le temps nécessaire pour m’acquitter. » Puis, détachant ses mots, et d’une voix impérieuse : « Laissons donc cela. Mais je veux savoir si, oui ou non, il avait été question de Rumesnil entre Antoine et toi, dans votre conversation de cette nuit ? »

— « Je t’ai déjà dit qu’il était inutile de me questionner sur ce qu’Antoine m’a dit ou ne m’a pas dit, » répliqua la jeune fille, « je ne te répondrai pas. »

— « Ne pas répondre, c’est répondre… » continua Jean plus vivement encore. « Tu reconnais donc que vous avez parlé de Rumesnil. C’est à cause de cela que tu étais dans cette fièvre ce matin, parce que tu savais qu’Antoine voulait aller emprunter cet argent rue de Varenne, parce qu’il t’avait demandé à toi-même de l’emprunter pour lui à cet homme qui te fait la cour… Le reconnais-tu, qu’il te fait la cour ?… »

— « Je ne reconnais rien, » répondit Julie. « Je t’avais prié de ne plus faire allusion à ce qui a pu se passer entre Antoine et moi. Maintenant, » elle s’était levée et marchait sur son frère, « je