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L’ÉTAPE

heure, qu’il avait déjà gagné la rue de Varenne et cet hôtel dont sa pauvre sœur avait tant rêvé. Adhémar de Rumesnil y habitait seul avec sa mère. Il avait perdu son père tout enfant. La porte cochère en niche, dont il a déjà été parlé, annonçait la date de la construction. Elle remontait à la première partie du dix-huitième siècle, époque où ces entrées furent mises à la mode par les architectes qui bâtirent les hôtels, célèbres alors, de Soubise, de Roquelaure et de Lude. L’aspect de la vieille demeure aristocratique, son isolement fastueux entre sa cour et son jardin, l’importance des communs et leur tenue, la livrée du concierge, en drap vert foncé avec des brandebourgs et des boutons armoriés, tout attestait que le membre de l’Union Tolstoï, domicilié derrière cette façade à hautes fenêtres cintrées, continuait, malgré ses convictions socialistes, à vivre noblement, pour parler comme les Mémoires de l’Ancien Régime. Quand le fils du professeur eut sonné à l’entrée latérale, qui s’ouvrait, pour les piétons, à côté de la grande, il put voir qu’un garçon d’écurie était occupé à laver, devant la remise, un phaéton à roues caoutchoutées. Il reconnut la voiture favorite d’Adhémar, celle qu’il aimait à mener lui-même, au trot rapide de ses deux cobs rouans. « Il est sorti ce matin, il sera à la maison, » pensa Jean, qui demeura tout désorienté devant la réponse du concierge lui apprenant le départ de Rumesnil pour la campagne.

— « Monsieur le comte rentrera mardi, peut-être