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L’ÉTAPE

passer deux ou trois jours chez un cousin, aux environs de Paris. En temps ordinaire, elle eût été peinée que son amant ne lui eût pas écrit pour lui confirmer cette absence et s’en excuser. Dans les circonstances actuelles, ce départ était une chance inespérée, pourvu qu’Antoine ne fût pas arrivé avant que Rumesnil n’eût quitté sa maison. La jeune fille avait envoyé Maradan lui acheter un indicateur des chemins de fer. Elle savait le nom du château du cousin et qu’il était dans le voisinage de Malesherbes. Adhémar avait pu prendre, pour cette station, l’un ou l’autre des deux express du matin qui partent de la gare de Lyon, le premier à neuf heures, le second à dix. Selon qu’il se serait décidé pour celui-ci ou pour celui-là, il serait sorti de son hôtel à huit heures et demie ou à neuf heures et demie. Antoine n’était allé rue de Varenne, s’il y était allé, qu’à neuf heures moins le quart. Tout, dans ce cas, dépendait donc du choix du train auquel s’était rangé Rumesnil. Julie avait voulu considérer comme certaine la préférence donnée au premier express, parce qu’il était plus rapide que l’autre et ne s’arrêtait ni à Villeneuve, ni à Juvisy, ni à Corbeil. C’est avec cet espoir qu’elle avait attendu le retour de Jean, et voici qu’à la seule annonce du payement des cinq mille francs par Antoine, tous les indices qui avaient fait pour elle probabilité d’un côté faisaient probabilité de l’autre. Rumesnil était rentré tard de l’Union Tolstoï, la veille. Pourquoi se serait-il levé