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L’ÉTAPE

aventurier. Antoine comprend maintenant où cet homme l’a entraîné. Il m’a donné sa parole de ne plus le voir, et moi, je me suis engagée à ne pas démentir ce qu’il a raconté à M. Monneron. En mettant de côté, comme il l’a fait, sur ses bénéfices, la somme soustraite ici, il a prouvé qu’il n’était pas absolument perdu. M. La Croix, indemnisé, ne se plaindra pas. J’en fais mon affaire… Je vais plus loin. Je consens, non pas à lui pardonner, c’est trop grave, mais à le garder au bureau, trois mois, pour que M. Monneron n’ait pas de soupçons. À cette date, il démissionnera, sous un prétexte quelconque. Mais je le suivrai de loin, dans sa nouvelle position, et, à la première faute, je remets à qui de droit cet aveu qu’il vient de me signer. S’il se conduit bien, dans cinq ans, je le lui rendrai… Maintenant, monsieur, allez à votre travail… J’ai eu trop d’affection pour lui, » ajouta l’excellent homme, quand l’imposteur fut sorti de la pièce, sans avoir, tout de même, osé regarder son frère, « je respecte trop M. Monneron père, pour n’avoir pas tenu à donner à ce malheureux une occasion de se racheter. Antoine n’est pas mauvais, je vous assure, et, si vous l’aviez vu sangloter, vous auriez foi dans son relèvement, comme moi. Il m’avait demandé de vous écrire et de vous voir pour obtenir que vous ne démentiez pas auprès de monsieur votre père une explication à laquelle j’accepte de me prêter. Il réparera, il me l’a juré, je le crois. J’ai vu tant de nos jeunes gens qui se