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LES FRÈRES ET LA SŒUR

Lorsqu’il eut frappé à la porte de M. Berthier et et que celui-ci lui eut dit : « Entrez, » ce lui fut donc une très pénible surprise de trouver là Antoine, qui se tenait assis sur une chaise, à côté de celui qu’il définissait cette nuit « ce gros éléphant sans tact ». Le chef de bureau était un homme de cinquante ans, que son existence sédentaire avait rendu en effet très corpulent. Son visage sanguin, où se lisait une forte bonté de tempérament, si l’on peut dire, exprimait une émotion extraordinaire. Les paupières rouges d’Antoine attestaient qu’il avait beaucoup pleuré. Une scène s’achevait entre les deux hommes, à laquelle la présence de Jean allait servir de conclusion. M. Berthier avait vu trop souvent le frère cadet rendre visite au frère aîné pour ne pas les croire très intimes. D’ailleurs, dans la comédie de confession que le faussaire lui avait jouée, le nom de Jean avait été prononcé. Le chef de bureau, que sa générosité naturelle et aussi son ancienne sympathie pour son infidèle subordonné abusaient complètement, dit au nouveau venu :

— « Vous arrivez juste à temps, cher monsieur, pour être le témoin du repentir d’Antoine et de ses promesses. Il m’a tout avoué. Il n’y a pas d’affaires absolument certaines à la Bourse, je le lui ai démontré. Ce M. de Montboron avec lequel il s’était lié (l’amant d’Angèle d’Azay avait imaginé cet étonnant mensonge !) et qui lui parlait d’opérations sûres, ne peut être qu’un abominable