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L’ETAPE

la main de Mlle Ferrand, c’était s’obliger à un mariage religieux, et un tel mariage supposait que Jean Monneron se fît catholique. Puis, en pressant le jeune homme, M. Ferrand avait reconnu avec stupeur que celui-ci, trompé sans doute par le profond respect que son maître montrait toujours pour la sincérité des convictions contraires aux siennes, avait nourri l’illusion d’une union célébrée à l’église, mais, comme il arrive dans les mariages mixtes, sans qu’il fût obligé lui-même d’adopter la religion de sa fiancée. Le philosophe n’était pas homme à se contenter d’un semblable compromis, d’ailleurs plus difficile qu’aucun autre à faire accepter par Rome, sans des motifs impérieux qu’il n’avait pas assez nettement aperçus dans le cas présent. Il n’avait vu là qu’une preuve d’un défaut qu’il avait le plus souvent observé dans son élève, et essayé de corriger : l’incertitude. Il avait donc répondu à l’amoureux de Brigitte qu’il ne donnerait sa fille qu’à un catholique déclaré et pratiquant. Sa surprise avait été plus grande encore à constater, chez Jean Monneron, un réel saisissement d’épouvante à la seule pensée d’un acte aussi grave, aussi mêlé aux profondeurs de la conscience. Il l’avait cru si préparé, si voisin d’une adhésion définitive à ce qu’il croyait, lui, être la vérité, et il le trouvait si vacillant, si hésitant encore ! Le jeune homme avait demandé huit jours pour réfléchir. Le père les avait accordés. Ce 1er novembre marquait la fin du délai.