louis de sa mise. Les sept mille huit cents francs du gain avaient vite filé, entre des cadeaux à sa maîtresse, des soupers en sa compagnie, et d’autres séances de jeu, moins heureuses. Encouragé par son premier succès, il avait récidivé et fabriqué le chèque de trois mille francs. Derechef la chance lui avait été favorable. Il avait gagné, dans la semaine, près de quinze mille francs. Il avait de nouveau restitué la mise, et, averti par la précédente expérience, il avait eu la sagesse de ne plus jouer, une fois ce chiffre atteint. Mais voilà. Pour une fille du train de Mme d’Azay, douze billets de mille francs à brouter, c’était une poignée d’herbe pour un des chevaux de race sur lesquels le pseudo-fils de famille avait parié. Et l’employé du Grand Comptoir, qui se donnait à sa maîtresse comme un jeune homme riche, venu d’un castel du Périgord au pays Latin, pour y faire gaîment son droit, — il louait, vu la circonstance, et toujours sous le nom de Montboron, une chambre dans un hôtel du Quartier, — avait dû recommencer à décalquer à la vitre sur un troisième chèque les sept petites lettres dont il avait parlé cavalièrement à son frère. Il s’était, cette fois, pour avoir de quoi miser davantage, procuré cinq mille francs. À travers ses entraînements, il restait bien le petit-fils du patient cultivateur de Quintenas, car, la somme étant plus grosse, il l’avait divisée. Il avait eu la prudence de jouer une partie de cet argent, et aux courses seulement, ayant constaté qu’au tripot il perdait sans cesse.
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L’ÉTAPE