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L’ETAPE

reconnais pas le droit, » disait-il, « d’enseigner à des êtres, sans défense contre leurs premières impressions, des hypothèses invérifiées. » Le logicien avait poussé ce parti pris jusqu’au bout : aucun de ses enfants n’avait été baptisé. M. Victor Ferrand est trop connu par son remarquable livre : La Tradition et la Science, pour qu’il soit nécessaire d’exposer ici les principes de ce disciple de Bonald et de Le Play, qui reste, depuis la mort de ses aînés, MM. Ollé-Laprune et Charpentier, un des chefs les plus en vue de la philosophie catholique dans l’Université. Issu d’une famille de propriétaires angevins, et suffisamment riche pour ne pas dépendre de son traitement, ce chrétien avoué n’a jamais dissimulé l’intégrité de ses convictions. Il n’est que juste de reconnaître que la République les a jusqu’ici respectées. Comment et pourquoi un pareil homme s’était-il trouvé admettre un Jean Monneron dans son intimité ? Cette inconséquence apparente sera comprise par tous ceux qui ont approché un vrai professeur tel que celui-là, un de ces accoucheurs d’esprits, possédés par le goût, par la passion du talent jeune. Les éducateurs de grande race éprouvent, à discerner dans un écolier de dix-sept ans les premiers linéaments de la supériorité future, des émotions d’inventeurs et d’artistes. Préciser, hâter l’achèvement de cette ébauche, conspirer à l’éclosion de cette noble fleur humaine, s’associer à ce miracle : la formation d’une belle intelligence, telles sont les délices de ces maîtres, qui demeu-