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L’ÉTAPE

père, en lui prenant les mains et le forçant de s’asseoir :

— « Mais non. Ce n’est pas vrai ! Ce n’est pas possible ! Il y a un malentendu… Tout s’éclairera quand tu auras causé cinq minutes avec Antoine… Je connais mon frère. Il n’a pas commis une pareille action. Il en est incapable… »

— « N’est-ce pas ?.. » s’écria Joseph Monneron, et il regardait Jean avec une tendresse passionnée, comme s’il eût voulu boire dans les yeux de son fils préféré une suggestion que tout son effort n’arrivait pas à se procurer. « C’est ce que je me répète depuis cette horrible conversation avec M. Berthier. Élevé comme il a été élevé, dans notre intérieur, ou il n’a eu que de bons exemples, avec ta sœur et toi, qu’il voit tous deux tant travailler, près de sa mère, qui n’a de pensées que pour vous, près de moi, à qui tu rendras ce témoignage que je ne vous ai jamais parlé que de Justice, il ne peut pas être devenu un criminel, d’un jour à l’autre ? Et pour quel motif ? Il est un peu vaniteux, c’est vrai. Il aime la toilette. Mais il gagne de l’argent, beaucoup d’argent. Sur ses cent cinquante francs par mois, il en donne cinquante à la maman. Il garde les cent autres pour son entretien et ses menues dépenses. C’est une somme ! Il m’a toujours dit qu’il en plaçait une partie, et je les lui ai laissés, tout en le logeant chez nous, à cause de cela, pour qu’il s’habituât à épargner… Tu as raison. Il y a un malentendu.. S’il rentrait seulement ! C’est quelque ami qui