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L’UNION TOLSTOÏ

venir à l’U. T, le coup de ce soir, et je te gardais ce paquet à toi… Tu communiqueras la bonne nouvelle à Crémieu-Dax pour qu’il la communique à son papa… M. de Montboron ?… Ça sonne ! Ça ferait bien dans un conseil d’administration, à côté du gendre… Avais-je raison de te dire que chez les bourgeois, il se passe de trop sales choses ?… Ah ! tu voulais donner une leçon à Auguste Riouffol. C’est toi qui l’as reçue, mon fiston. Tâche d’en profiter, monsieur le professeur. »

Sur cet ironique adieu, qui ramassait en lui le plus fort motif de haine peut-être qu’il eût contre son cousin, il s’éloigna sans que celui-ci songeât à le suivre maintenant. Cette sauvage dénonciation, jetée ainsi, avec des regards si durs, sur ce coin de trottoir solitaire, par cet allié d’humble condition, au terme de cette journée chargée de tristesse, avait atteint le jeune homme en plein cœur. Ce n’était pas ce coup qu’il attendait, mais celui-ci empêcherait-il qu’il ne reçût l’autre plus tard ? Et sur le moment, la surprise rendait l’actuel presque plus douloureux. De la sincérité de Riouffol, Jean ne doutait pas, ni de sa véracité, au moins sur un point : ce nom de Montboron, d’abord, pris par son frère pour figurer vaniteusement dans le monde interlope où l’espionnage haineux du parent pauvre l’avait surpris. On sait qu’un des quartiers de la banlieue de Nice s’appelle ainsi. C’était celui où Joseph Monneron avait passé