Page:Paul Bourget – L’étape.djvu/155

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
143
L’UNION TOLSTOÏ

minute, les inconséquences de la fondation dont il se trouvait faire partie sans y avoir jamais cru absolument ? Ce qui l’intéressait, c’était l’énigme des manières de Rumesnil, c’était le secret qu’il croyait parfois lire dans ces yeux, si clairs de regard, si voilés d’expression ! Ce secret, après tout, pouvait n’être pas très grave. Qu’Adhémar eût été simplement un peu trop attentif auprès de la jeune fille ; qu’il s’en fût fait aimer presque à son insu ; puis, que, s’apercevant de cette imprudence, il en fût troublé maintenant et se la reprochât comme une faute de lèse-amitié : n’était-ce pas là de quoi expliquer et les attitudes de Julie et celles de son camarade ? Fallait-il pour cela recourir aux calculs cyniques prêtés par Antoine à leur sœur ? Adhémar, dans ce cas, méritait-il les cruelles sévérités de leur ami commun ? Une telle aventure serait, certes, douloureuse. Personne du moins ne s’y serait déshonoré.

Cette hypothèse aussi explicative et plus consolante que l’autre, Jean Monneron la roulait de nouveau dans son esprit, un quart d’heure plus tard, assis, lui septième, à la grande table ronde autour de laquelle siégeait le comité directeur de l’U. T. On avait commencé, d’après la règle, par tirer au sort le président. Le nom de Rumesnil était justement sorti. Il avait ouvert la séance en lisant le résumé de la dernière réunion, transcrit sur un livre ad hoc, par le président sortant, — d’après la règle, toujours. Le génie de minutie de