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L’ÉTAPE

discours de Clytemnestre : Il y a la mer, et qui pourrait l’épuiser ?… Quand je rencontre de pareils vers, je me vois par avance là-bas, près de Nice, dans le pays de la maman, quand j’aurai pris ma retraite. Vous serez tous casés. Toi, tu seras professeur de Faculté, à Aix peut-être. Je te l’ai déjà dit, ce serait plus sûr encore si tu avais passé par l’École normale. Tu as préféré la Sorbonne. C’est une question d’un léger retard. Tu seras donc dans une Faculté. Ta sœur sera sortie de Sèvres. Elle sera professeur dans un lycée de filles, et indépendante. Tout est là pour une femme. Gaspard sera professeur de sciences. Il a des dispositions étonnantes pour les mathématiques. Ta mère me le disait encore ce matin. Il calcule de tête comme faisait son grand-père Granier, qui n’a jamais tenu un livre de dépenses. Il l’avait là sous son front. Antoine sera chef d’un des bureaux du Grand Comptoir. Vous serez tous fonctionnaires, car un employé dans une grande administration, comme lui, c’est encore un fonctionnaire, et, souviens-toi de cela, personne n’est heureux comme un fonctionnaire. Il passe régulièrement à la caisse à la fin du mois. Sa besogne est tracée : tant d’heures par jour. Jamais de hasards. Jamais d’à-coups. Il n’a pas à penser à la vie matérielle. Vous serez tous heureux, et moi, n’ayant plus de classe à faire, je relirai, tous les ans, tous les poètes grecs d’un bout à l’autre. Je commencerai par Homère, puis les tragiques, Eschyle, Sophocle, Euripide, — il est excellent