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LES ORIGINES DU SERVAGE.

homme vraiment libre. À Rome, à Constantinople, dans les provinces[1], le sénateur n’a pas la faculté de s’affranchir des charges de son état, mal déguisées par l’éclat des honneurs : il ne peut diminuer frauduleusement sa fortune, garantie de ses obligations[2] ; il ne peut même sans de grandes difficultés la diminuer dans un but légitime et la consacrer à des œuvres de charité, car ce qu’il donnerait aux pauvres appauvrirait le sénat[3] ; il est attaché à une sorte de glèbe, senatoria gleba[4]. Membre du petit sénat d’un municipe[5], le curiale se trouve dans une situation analogue, et même beaucoup plus dure : comme il est responsable de la levée de l’impôt, il ne peut, sans l’autorisation du magistrat, vendre ses biens,

  1. Les sénateurs étaient très nombreux dans l’Empire romain : ils comprenaient non seulement ceux qui habitaient Rome, prenaient part aux délibérations du Sénat, mais encore beaucoup de provinciaux qui avaient le titre, les privilèges et les charges, quoique vivant loin de Rome. Le Sénat n’était pas une assemblée délibérante, c’était une classe un, degré supérieur de noblesse. Un grand nombre de sénateurs n’avaient jamais vu Rome (Dion Cassius, LXXII, 46 ; saint Augustin, De civitate Dei, XV, 17. Cf. Digeste, L, I, 21, 23 ; Code Théodosien, VI, 1, II ; Code Justinien, XII, II, 1 ; Fustel de Coulanges, Hist. des institutions politiques de l’ancienne France, t. I, 1875, p. 25 ; Lécrivain, Le Sénat romain depuis Dioclétien à Rome et à Constantinople, 1888, p. 63-64). — Si l’on peut comparer à l’immense aristocratie romaine une aristocratie répartie sur un espace relativement restreint, on rappellera qu’aujourd’hui, en Angleterre, sur 600 pairs 400 ne viennent jamais siéger et qu’on en compte rarement plus de 200 qui soient présents (J. Bardoux, Acad. des sciences morales et politiques, 12 mars 1910 ; Journal des Débats, 14 mars 1910).
  2. Code Théodosien, VI, II, 8 (383) ; cf. 13 (397)
  3. Voir la Vie latine de sainte Mélanie la Jeune, 34, et sa Vie grecque, 49. Cf. la note XIX dans Rampolla, S. Melania Giuniore senatrice romana, 1905, p. 181-487 ; mon article Une grande fortune romaine au Ve siècle, dans Revue des questions historiques, janvier 1907, p. 20-25 ; Goyau, Sainte Mélanie, 1908. p. 63-79, 96-97.
  4. Code Théodosien, XII, I, § 1 (371) ; 138 (393).
  5. « Minor senatus. » Majorien, Novelle VII, 1.