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vaincus avec lesquels le vainqueur est obligé de compter ne sont plus tout à fait des vaincus.

La tactique des peuples opprimés change aujourd’hui par la nature des choses, comme la tactique du prolétariat lui-même. De même que le prolétariat a renoncé à la guerre des rues désormais inefficace pour marcher, par l’organisation de ses forces économiques et politiques, à la conquête du pouvoir, de même les peuples conquis, opprimés et foulés renoncent aux soulèvements armés de jadis pour utiliser au profit de leur indépendance nationale les libertés politiques croissantes. (Applaudissements à l’extrême gauche.)

Nous ne sommes plus au temps où l’Irlande écoutait tous les bruits de guerre de l’Europe et attendait le débarquement de l’étranger qui devait la libérer de l’occupant. Nous ne sommes plus au temps où Mickiewicz terminait son Livre des Pèlerins par cette formidable prière : « Et la guerre universelle pour notre libération, donnez-nous-la, Seigneur ! » Non ! Mais lorsque l’Irlande, au Parlement même de Londres, fait et défait les majorités, lorsqu’elle donne et retire le pouvoir, lorsque les trois maîtres de la Pologne, à la même heure, pour conserver leur pouvoir sur l’opinion ou pour leurs combinaisons parlementaires, sont obligés de caresser à la fois le sentiment national polonais, lorsqu’ils ressuscitent ainsi, par la simultanéité forcée et étrange de leur démarche, l’unité visible du peuple qu’ils s’étaient partagé, j’ai le droit de dire que la justice immanente a aujourd’hui en Europe d’autres moyens et d’autres voies que la guerre. (Vifs applaudissements à l’extrême gauche.)

La nation conquérante ne peut développer ses propres libertés qu’en les communiquant aux con-