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quablement sobre, l’uniformité, la netteté de l’édifice. La longue perspective de la nef et du chœur se termine, avec une gracieuse légèreté, en un chevet percé de sept baies étroites et fort rapprochées les unes des autres. C’est comme une église de nonnes, ou mieux comme une coiffe de nonne.

L’église de Pontigny, prototype de la généralité des églises cisterciennes – y compris certaines des plus belles parmi les primitives d’Angleterre – signifie en réalité un mouvement de réaction contre l’esprit monastique lui-même, tel qu’il était devenu dans l’ordre de Cluny, dont le caractère est traduit dans les splendeurs énergiques, mais à demi-barbares des formes les plus riches du roman – style architectural éminement monastique – ainsi que l’on en peut juger encore de nos jours à la Charité-sur-Loire, à Saint-Benoît et, par dessus tout, au sommet de la colline de Vézelay. Saint Bernard, qui a contribué à l’immense influence de l’ordre de Citeaux par ses réformes monastiques, encore qu’il eût le goût des hymnes, qu’il fut un religieux éminement poète et qu’il ait, par ailleurs, ravivé le roman expirant des Croisades, avait, en ce qui concerne le monde visible, beaucoup d’un Puritain. N’est-ce pas lui qui, absorbé dans ses méditations sur le monde invisible, marchait sur les bords du lac Leman sans le voir ? Peut-être prenait-il les neiges éternelles des monts pour les murailles de la Nouvelle-Jérusalem et les vagues bleues pour son pavé de saphyrs ? Dans les églises de l’ordre qu’il réforme, il réclame la simplicité, la sévérité même, ayant la chance de trouver une élégante expression des souhaits de son âme dans le gothique de Pontigny, comme dans celui de la première église cistercienne, celle de Citeaux, détruite depuis lors. Chose passablement étrange, alors que les idées de saint Bernard, survivance du passé (ce que sa dispute avec Abélard nous permet de constater) étaient hiérarchiques, réactionnaires, ennemies de la nouveauté, le style architectural qu’il préfère marque l’origine du nouveau siècle. Style qui aura une large part dans ce génie inventif et novateur, cet épanouissement de l’âme humaine, dont témoignent l’art, la littérature, le mouvement religieux du xiiie siècle en France, comme en Italie, où il prend fin avec le Dante.

Bernard a protesté tout particulièrement contre la