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auxquels la religion, l’art et l’ordre social sont chers. En fait, les Clunissiens représentaient le monasticisme dans la forme la plus exacte de son activité, et, si l’église de Vézelay n’était pas la plus grande de leurs églises, elle est certainement la plus vaste de celles qui nous restent. Elle est vraiment caractéristique. De même que Notre-Dame d’Amiens est surtout l’église d’une ville, d’une commune, de même la Madeleine de Vézelay est l’église type d’un monastère.

Le style essentiellement monastique, dans sa puissance et son influence propres, fut le roman ; et, dans l’ordre de Cluny, nous pouvons saisir mieux que n’importe où ailleurs, à quel sommet il atteignit réellement, quelle fut son action sur les esprits, sur l’imagination.

Les Cistérciens, comme à Pontigny, bâtissaient, pour la plupart, leurs églises dans de basses vallées, pour obéir au vœu du fondateur de leur ordre. L’église des Clunissiens, au contraire, s’élève au milieu des maisons étroitement serrées de la petite ville, à laquelle elle devait protection et qu’elle avait droit de punir, au faîte de la colline escarpée, semblable à un long coffre massif, pesant sur vous, tandis que vous grimpez lentement la route en lacets, le vieux sentier inchangé de saint Bernard. Dans les temps passés, elle tenait en respect les villages environnants par quatre tours solidement bâties ; elle avait en outre une flèche au-dessus du transept et sans aucun doute, à cette époque, elle était comme une version plus imposante des constructions qui couronnent encore, la colline de Laon. Extérieurement, les proportions, la forme carrée de la nef (ouest est), le vaste narthex ou porche, et le chœur gothique, s’élevant au-dessus de son faîtage, rappellent celles d’une autre grande église de chez nous, celle de la nef de Winchester, dont Wikeham sculpta richement les panneaux intérieurs. À Vézelay toutefois, le roman, le roman bourguignon, identique d’un bout à l’autre dès la conception première de l’édifice, par l’aspect imposant, à la fois, de ses énormes pierres, de la masse de sa maçonnerie presque ininterrompue, son inertia tient davantage du caractère impérial et se rapproche plus du roman antique que ses congénères plus frêles d’Angleterre ou de Normandie. Il semble que nous ayons face à nous une architecture romane, fille non point de celles des basiliques ou temples romains, mais de celle