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occupait, pour prendre un rôle dans le divertissement ; et quand celui-ci eût pris fin, il réapparut portant encore l’élégant costume de Paris, avec un plastron fait uniquement de griffes hérissées de tigres, artistement dorées. Le jeune prince avait tout récemment revêtu la toge virile, au retour d’une courte visite de l’empereur aux frontières du Nord, relevant ses cheveux à la façon de Néron, sous un bonnet d’or dédié à Jupiter Capitolin. Sa ressemblance avec Marc Aurèle, son père, était par là plus frappante que jamais ; et il avait un motif très-fondé de s’intéresser à l’hôte littéraire illustre du jour, qui se trouvait être l’heureux possesseur d’un monopole pour l’exhibition des animaux féroces et des combats de gladiateurs dans la province de Carthage où il résidait.

Pourtant, après qu’on eût mis toute la complaisance possible à se prêter aux fantaisies assez vulgaires du fils de l’Empereur, on comprit qu’avec un hôte comme Apulée, que tous étaient venus interviewer en véritables connaisseurs, la conversation devait prendre un tour d’érudition et d’élévation, et le maître de maison finit par ramener adroitement ses convives à la littérature, à propos de rehures. Des rouleaux élégants de manuscrits grecs anciens, tirés de sa superbe bibliothèque, passèrent de main en main autour de la table. Ce fut pour les convives eux-mêmes une invitation à sortir les curiosités littéraires qu’ils avaient apportées dans leur sac, à titre de contribution personnelle à ce banquet ; et l’un d’eux, un diseur célèbre, choisissant le bon moment, donna lecture, de sa voix de ténor, du morceau ci-dessous, non sans l’avoir tout d’abord fait précéder d’une glose sur le point de savoir s’il pouvait être attribué à Lucien de Samosate qui passait pour le grand ironiste du temps.

« Quel est ce son, Socrate ? demanda Chærephon. Il venait de la plage, au pied de la falaise là-bas et semblait bien lointain. Et comme il était mélodieux ! Etait-il poussé par un oiseau, je me le demande. Je pensais que les oiseaux de mer étaient sans voix. — Eh ! oui. C’est bien un oiseau de mer, répondit Socrate ; « il se nomme Alcyon et donne une note pleine de tristesse et de larmes. On raconte sur lui une vieille histoire. C’était une femme mortelle, jadis, fille d’Eole, dieu des vents. Ceyx, fils de l’étoile du matin, l’épousa dans sa tendre jeunesse. Le fils n’était pas moins beau que le père ; et quand il advint qu’il mourut, le cri de douleur de la fille gémissant sur sa perte, fut précisément celui-là. Et peu de temps après, de par la volonté du Ciel, elle fut changée en oiseau. Flottant avec ses ailes au-dessus des flots, elle y cherche maintenant son cher Ceyx, n’ayant pu le découvrir après avoir longtemps erré par toute la terre.

« — Alors, c’est donc là l’Alcyon, le royal pêcheur, dit Chaerephon, jamais je n’ai entendu pareil oiseau. Il donne vraiment une note plaintive. Quel genre d’oiseau est-ce donc, Socrate ?

« — Ce n’est pas un grand oiseau, bien qu’elle ait reçu de grandes faveurs des Dieux, en raison de son remarquable amour conjugal. Ainsi, quand elle fait son nid, une loi de nature amène un temps qu’on désigne sous le nom de temps de l’Alcyon — jours qui se distinguent entre tous