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mal nourrie. Avec cela, surchargée de corvées et astreinte à une guerre qui lui répugnait de plus en plus ; aussi, le dégoût et la fatigue brisaient en elle tout ressort.

Quant aux troupes mobilisées pour faire le travail des grévistes, elles s’en acquittaient avec mollesse et indifférence. Les résultats en étaient piteux. Leur travail n’était guère qu’un sabotage inconscient.

L’armée n’obéissait donc qu’à regret et rechignait aux besognes qu’on attendait d’elle. Les chefs n’étaient pas dupes, — ils sentaient grandir la rancœur et le mécontentement des troupes ; mais ils évitaient de sévir, par crainte d’accentuer l’effritement de la discipline qu’ils constataient ; ils tâchaient de remonter leurs soldats en les haranguant et les encourageant, disant les mener à une entreprise glorieuse.

Ainsi, cette armée, — seule force réelle dont disposait le pouvoir, — menaçait de se dérober. En elle, les progrès de la prédication antimilitariste étaient encore latents ; mais un observateur attentif pouvait en constater l’empreinte profonde et prévoir qu’au moindre incident, — une consigne plus sévère, un ordre tenu pour rigoureux ou excessif, — ce serait la révolte.

On sentait les soldats frémissants, prêts à regimber, — plus enclins à faire cause commune avec le peuple qu’à marcher contre lui.