Page:Pataud, Pouget - Comment nous ferons la Révolution, 1909.djvu/79

Cette page n’a pas encore été corrigée

de leurs caisses, d’assurer — même très peu de temps, — la pitance aux grévistes qui, désormais, allaient être des milliers et des milliers.

Et alors, n’y avait-il pas à craindre que les uns et les autres, — grévistes d’hier et grévistes d’aujourd’hui, — tenaillés par la faim, ne soient acculés à la cruelle obligation de reprendre le chemin de l’usine, de l’atelier ?

Puis, ne fallait-il pas compter avec d’autres, plus pitoyables encore, plus affreusement malheureux : les perpétuels grévistes, les sans-travail ? Multitudes à bout de tout, lamentables épaves ! Ayant englouti au Mont-de-Piété leurs dernières hardes, ces misérables végétaient, vivaient on ne sait comme, ou mieux, mouraient à petit feu. Or, l’espoir de manger n’allait-il pas dresser ces réserves de chair à travail contre les grévistes ?

Et alors, la guerre de classes ne risquerait-elle pas de dériver en guerre fratricide, — pauvres diables contre pauvres diables : chômeurs contre grévistes ?


C’est dire que la question alimentaire dominait tout. Elle était l’énigme du nouveau sphinx. Si le prolétariat trouvait la solution, la voie lui était ouverte, — large et belle, — sinon, il serait dévoré !… Il retomberait sous le joug, plus lourdement que jamais !

Dès la déclaration de grève, les grandes coopératives de consommation s’étaient mises en mesure de fournir du pain, — non seulement à leurs adhérents, mais aussi aux non-coopérateurs.