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quartiers. traversés pour se rendre au cimetière de Pantin, on sentait le cœur des faubourgs battre à l’unisson de celui de la masse qui suivait le cortège. À toutes les croisées, des grappes humaines saluaient, répondant aux clameurs de la foule par des cris de vengeance.

Et quand, après une brusque accalmie, en un rythme grandiose, les strophes grondantes de l’Internationale déferlèrent sur l’interminable cortège, on eut la sensation que la chanson se muait en acte, — que la « lutte finale » qu’elle annonçait n’était pas pour demain, mais pour aujourd’hui, pour tout de suite… Alors, sur cet océan humain passa le frisson des émotions décisives ; chacun fut secoué jusqu’au plus profond des moelles.

Mais, nul obstacle ne gênait la marche, — armée et police étant de plus en plus invisibles — le cortège continua sa route, roulant ses flots tumultueux jusqu’au cimetière.

Là, au bord des fosses, brefs et vigoureux furent les discours. Nul ne songeait à phraser. Et d’ailleurs, au delà des quelques milliers d’auditeurs pouvant entendre, s’amoncelaient les foules auxquelles ne parvenaient même pas le bruissement des paroles. En exclamations qui sourdaient en sanglots, en termes hachés que ponctuaient les poings levés, les uns après les autres, les orateurs conclurent par un serment qui, sous le ciel bas et gris, se répercuta en violentes approbations : la grève n’aurait ni fin ni trêve que le gouvernement n’ait capitulé, qu’il n’ait avoué son crime, qu’il n’ait frappé les meurtriers des victimes pleurées par le peuple.