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les voies ferrées, un personnel très restreint était demeuré seul en fonctions.

La ville entière s’harmonisait donc avec la cérémonie funèbre qui se préparait.


Le lieu du rendez-vous, rue Grange-aux-Belles, rendant la concentration difficile, la formation du cortège s’effectua place du Combat. Mais, bien avant l’heure convenue, l’affluence était énorme. Les syndicats avaient fixé des points d’assemblement à leurs membres sur les quais du canal, les rues avoisinantes, les boulevards extérieurs. Aussi, partout grouillait une multitude innombrable d’où, en bourdonnements de colère, jaillissaient des imprécations, des malédictions contre le Pouvoir.

Derrière les corbillards, qui disparaissaient sous des amoncellements de couronnes, après les familles, après les délégations, cette masse énorme prit rang. Et le cortège s’ébranla. C’était un flot humain qui s’écoulait, s’enflant à tous les carrefours d’afflux nouveaux. Sur cet océan de têtes, d’où n’émergeaient que les taches rouges et noires des bannières et des drapeaux, se répercutaient, en roulements de tonnerre, des mugissements de haine, des clameurs de vengeance.

Cela cadrait peu avec l’optimisme gouvernemental. La passion de lutte, la fougue de révolte qui, pour l’instant, s’extériorisait de trois cent mille poitrines en éjaculations coléreuses, n’allait-elle pas éclater formidablement, si un choc, un incident, y donnait prétexte ?

C’était d’autant plus à redouter que, dans les