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L’obscurité s’épandit sur Paris, — complète, compacte !

Lors des précédentes grèves, seule la lumière électrique avait manqué. Cependant, l’émotion avait été excessive, malgré qu’il n’y eût eu que diminution d’éclairage, — et non extinction totale. En effet, les rues et les boulevards continuaient à être éclairés par le gaz, — que beaucoup de commerçants avaient aussi. En réalité, on s’était trouvé ramené à l’éclairage accoutumé un quart de siècle auparavant, mais non plongé dans d’impénétrables ténèbres.

Cette fois, électricité et gaz faisaient simultanément défaut. Aussi, ce ne furent pas des demi-ténèbres ! La brusque extinction des lumières les fit paraître plus épaisses encore aux yeux inaccoutumés… L’affolement fut indicible, et la nervosité de la population, déjà mise à rude épreuve, atteignit le paroxysme. Effarés, ahuris, les gens couraient de droite, de gauche, tourbillonnaient, quasi-fous.

Dans le noir intense qui enveloppait la ville, de ci, de là, pointaient quelques lueurs éclatantes. C’était la rutilance des établissements qui, faisant leur lumière eux-mêmes, — électricité ou acétylène, — n’avaient pas été atteints par la grève.

Maintenant, les pulsations de la grande cité allaient se ralentissant ; on eût dit que les ténèbres qui l’envahissaient étaient présage de mort. Les théâtres et tous les établissements se vidèrent dans un bruissement de conversations et au milieu d’exclamations qui disaient la panique, l’angoisse.