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pas de couleur. Il eut pour scène, entre midi et une heure, les rues qui s’éparpillent de la Madeleine à l’Opéra.

Tandis que les banques et les maisons de commerces de luxe, qui pullulent dans ces quartiers, avaient jugé prudent de ne pas ouvrir leurs portes, les maisons de couture et de mode, qui y foisonnent aussi, avaient exigé que leur personnel vînt au travail.

À l’heure du repas, les ouvrières, craintives un peu, mais fort curieuses du tableau de la rue, descendirent de leurs ateliers, s’enhardissant mutuellement. Les restaurants, d’habitude extrêmement animés, où dominait la gaieté, où fusaient les rires, étaient presque déserts, à demi silencieux ; les conversations y bruissaient en sourdine, et le service, très incomplet, était restreint, insuffisant.

Le moment fut jugé propice par les grévistes de la couture, — des tailleurs principalement, — pour amener à faire cause commune avec eux l’ensemble des ouvriers.

Dans la matinée, leurs tentatives dans ces parages avaient échoué, — le déploiement des forces policières et militaires qui, de la rue de la Paix au boulevard Malesherbes, était fort compact, y mettant obstacle. Maintenant, ces grévistes, très au courant des habitudes du quartier, utilisaient les minutes de flânerie précédant la rentrée aux ateliers. Ils se mêlaient aux groupes d’ouvrières, les endoctrinaient et les amenaient à crier : « Vive la grève ! »

Les autorités s’effarèrent de ces clameurs, mi-frondeuses, mi-goguenardes. Elles voulurent les réfréner.