Page:Pataud, Pouget - Comment nous ferons la Révolution, 1909.djvu/36

Cette page n’a pas encore été corrigée

au lieu des bousculades et du tohu-bohu journalier. Les maraîchers des environs, redoutant des incidents, ne s’étaient guère aventurés. La plupart avaient préféré s’abstenir du voyage. Aussi, n’eussent été les expéditions de province, qui affluaient encore, le marché eut eu piètre physionomie.

Cette insuffisance eut sa répercussion en tous les quartiers ; les marchands de primeurs, de légumes, de victuailles furent chichement approvisionnés.


Ainsi, dès le premier jour de grève, un resserrement symptomatique affectait l’essentiel trafic, le commerce de l’alimentation. Et comme la question du ventre primait toutes les autres, ce signe avant-coureur d’une possible disette ne pouvait que sur-exciter les inquiétudes, accroître les angoisses.

Cette perturbation, qui se révélait alors que le geste d’inertie de la classe ouvrière s’esquissait à peine, était une probante affirmation de sa force. Le prolétariat était donc bien le grand metteur en œuvre de la Société : il était le bœuf qui, la tête prise au joug, toujours courbée vers la terre, avait sans fin ni trêve creusé le dur sillon, le fécondant de sa sueur.

Et voici que le bœuf, las de trimer sous l’aiguillon, s’arc-boutait sur la terre fraîche et, relevant le front, sondait l’avenir. Qu’allait-il en découler ? Après avoir prouvé qu’il est le rude et bon ouvrier social, que sans lui, du champ ne sortiraient que ronces et épines, que sans lui rien n’est rien, allait-il avoir l’audace de vouloir être tout ?

Pour l’heure, il s’en tenait à la résistance passive.