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touchés par la crise. Outre l’inévitable disparition du gagne-pain qui, pour les prolétaires, était l’immédiate conséquence de la suspension du travail, la grève comportait pour eux toute une série d’ennuis et de calamités. Malgré tout, ils allaient à l’aventure, la joie au cœur, résolus à subir stoïquement les vicissitudes qui feraient cortège aux événements dont ils allaient être les acteurs principaux.


Les privilégiés voyaient poindre le conflit d’un œil moins serein. Nulle humeur combative ne les secouait, nul idéal ne les réconfortait. Ils ne songeaient qu’à jouir sans trouble. Or, ce qu’ils voyaient de plus clair dans la grève dont ils étaient menacés, c’était la perturbation qu’elle allait apporter dans leur existence, leurs habitudes, leurs plaisirs. D’ailleurs, sauf dans les cas où leurs intérêts particuliers étaient directement en jeu, ils avaient tendance à apprécier les conflits sociaux, non d’après leur importance réelle, mais d’après les inquiétudes ou les dérangements qu’ils leur occasionnaient. Pour eux, la grève d’un quarteron de musiciens, qui les privait d’une représentation théâtrale, ou celle de quelques douzaines de garçons d’écurie de courses, qui déséquilibrait leurs paris, prenait des proportions plus graves qu’une grève de dockers immobilisant le trafic d’un grand port.

On conçoit donc qu’ils fussent émus et effarés par la perspective d’une grève de tout !…

Cependant, au réveil, ils eurent une joie : les journaux avaient paru. Ils annonçaient bien qu’ils ne sachent