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De brèves conversations s’engageaient, ponctuées de réflexions brutales, dont le gouvernement faisait les frais.

La note dominante était pessimiste : « Ça allait tourner au vilain… », disaient les circonspects.

De ci, de là, quelques mouvements subits et impétueux, quelques exclamations furieuses secouaient la torpeur moutonnière.

Ceux qui étaient partis au travail étaient les ouvriers dociles, les souples, les résignés. Or, sur ceux-ci même passaient des bouffées de colère, fusant en interjections violentes.


Aux usines, aux ateliers, incomplètes furent les équipes. Et, qui plus est, les ouvriers présents n’apportaient pas à la besogne l’ardeur coutumière ; leurs gestes se ressentaient de l’inquiétude et de l’anxiété qui les poignait.

La veille, dans les réunions diverses tenues le soir, — meetings, soirées familiales ou récréatives ; — les événements de la journée avaient été commentés par des orateurs dont l’indignation faisait l’éloquence.

Ces réunions, les membres des comités de grève les avaient visitées, les unes après les autres. Pour dramatiser leurs paroles, ils avaient dépeint l’agonie des victimes, avaient revécu les douleurs de leurs proches, dit l’affre et le désespoir des veuves, des enfants. Clamant la fureur dont ils débordaient, ils concluaient que la solidarité prolétarienne devait se manifester par la cessation complète du travail : il fallait le suspendre sur l’heure, sans attendre que les organisations syndicales en donnent le signal.