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d’antan ? L’ex-petit commerçant, l’ex-petit industriel, — qu’on avait d’ailleurs laissés libres de croupir dans leur coin, — n’avaient-ils pas aisance plus grande qu’autrefois ? Quant aux paysans et aux prolétaires qui, sou à sou, avaient économisé juste assez pour se constituer une petite hypothèque sur un voisin, ou pour acheter quelques actions, n’étaient-ils pas, eux aussi, très largement indemnisés de la perte de ces infimes privilèges ?

Et puis, ajoutaient les partisans de l’expropriation pure et simple, tant d’inconvénients surgiraient de l’opération proposée que ce serait raison suffisante pour y renoncer. D’abord, comment établir une ligne de démarcation entre les capitaux méritant indemnité et les autres ? Ensuite, à supposer cette première difficulté surmontée, d’autres surgiraient, aussi fâcheuses : il faudrait une bureaucratie pour faire les enquêtes et les estimations aux fins d’indemnité ; en outre, les appétits seraient éveillés et surexcités, grâce à ce mirage de vivre encore en parasites. Ce serait perpétuer l’ancien régime dans le nouveau.

Ce serait greffer le cancer au cœur de la jeune société. Non ! Non ! Pas d’indemnité !

À cette argumentation, les adversaires de l’indemnité ajoutèrent l’exemple de 1789. Ils dirent qu’il ne fallait pas recommencer la duperie de la nuit du 4 août. Dans cette fameuse séance à grand fracas verbal, la Constituante proclama la suppression des privilèges féodaux… avec rachat ! Pourquoi ? Parce que les Constituants avaient peur de l’insurrection paysanne et parce qu’ils comptaient l’enrayer avec d’illusoires promesses.