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comment nous ferons la révolution

trouble, angoissante. On pressentait, à la nervosité et au malaise général, que des incidents minimes pouvaient se répercuter en événements d’une intensité grandissante.

Un hiver, long et âpre, avait accentué les causes d’inquiétude. Il y avait eu de rudes souffrances aux foyers ouvriers : aux épreuves de la saison s’étaient ajoutées les rancœurs d’une cherté des produits que la raréfaction n’expliquait point. Le peuple la mettait au compte d’accapareurs.

Aussi, dès le renouveau, le bouillonnement revendicatif s’était accentué. On eût dit que, sous les caresses du soleil, pour peu réchauffant qu’il fût encore, les travailleurs étaient pris d’un besoin d’action, de la nécessité de détendre leurs muscles, d’en éprouver la vigueur, afin de s’assurer que l’âpreté de l’hiver n’avait pas atténué leur résistance.

L’antagonisme entre ouvriers et patrons était d’ailleurs parvenu à un tel degré qu’on pouvait supposer atteint le maximum de tension. Dans les deux camps, on se considérait comme en permanent état de guerre, — interrompu seulement par des armistices qui n’apportaient dans les relations d’employés à employeur que des éclaircies de courte durée.

Des deux côtés, on s’était fortement organisé pour la lutte. En face des syndicats ouvriers et de leurs fédérations corporatives, qu’unifiait la Confédération du Travail, les capitalistes avaient, dans bien des branches, trusté l’industrie ou, tout au moins, constitué des associations de protection et de défense contre les grèves. Aussi, dès qu’une cessation de travail menaçait leur sécurité, les patrons répondaient