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les agissements du pouvoir. Limiter la grève uniquement à une suspension du travail leur paraissait insuffisant et, au lieu de se borner à se croiser les bras, ils songeaient à des gestes plus catégoriques. À leur avis, l’occasion était propice, pour effectuer l’acte essentiel qui leur tenait au cœur, — la libération de la terre. Ils se tinrent donc aux aguets, — car ils voulaient bien agir, mais n’être pas les seuls. Aux premiers symptômes d’effervescence nettement révolutionnaire, l’audace leur vint, leurs dernières hésitations s’évanouirent : ils se levèrent pour prendre la terre. La terre ! qui, pour le paysan, est la vie assurée, la liberté conquise.

La secousse révolutionnaire se répercuta donc dans les villages, — et ce fut une nouvelle Jacquerie !

Aux plaines du Nord, de la Brie, de la Beauce, et dans tous les parages où la grande culture ne laissait pas un lopin de terre au paysan, la révolte éclata et on s’empara des grands domaines. Dans les forêts du Centre, les bûcherons, vétérans de l’organisation syndicale et depuis longtemps familiarisés avec le travail en commun, firent la chasse aux marchands de bois, occupèrent les terres, les forêts. Dans le Midi, les vignerons marchèrent ; mais ce n’était plus à l’appel des propriétaires, comme en 1907, — au contraire, c’était pour leur courir sus.

Cette Jacquerie fut accélérée par une de ces paniques dont on retrouve des exemples dans l’Histoire. De village en hameau, le bruit se propagea que des « brigands » envahissaient les campagnes, venaient se partager les terres. Ce fut la réédition de la grande peur de 1789.