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comment nous ferons la révolution

des automates. Aux ordres qui leur furent donnés, ils épaulèrent, ils firent feu !…

Il y eut un recul formidable de la foule. On eût dit d’une faux qui passait sur elle ! Maintenant, les cris de douleur se mêlaient aux clameurs de malédiction et de colère. Outre les blessés, nombreux du côté ouvrier, il y avait des morts !

La cavalerie, mandée en toute hâte, arriva à la rescousse. Elle fonça sur les boulevards par les rues adjacentes et parvint à disloquer la manifestation. Mais la foule, quoique coupée en tronçons, ne s’éparpillait pas. Les groupes, rejetés hors de la grande artère, se coagulaient à nouveau et se dirigeaient vers les faubourgs, se rendaient aux salles où, le soir, se tenaient des réunions. Sur le parcours, ils clamaient leur indignation et répandaient partout la nouvelle de la bataille, de la tuerie.

Après la grande fusillade, il y avait eu un court moment d’angoissante accalmie. Les manifestants avaient ramassé les blessés, les avaient transportés aux pharmacies voisines. Quant aux morts, leurs corps, farouchement gardés par leurs camarades, avaient été étendus sur des autos et, en procession lugubre, transportés au siège de la Fédération du Bâtiment. Là, en une salle hâtivement transformée en chambre mortuaire, les cadavres des malheureux furent déposés.

Le tragique de cette journée, si brusquement haussé au diapason de guerre sociale, n’éclatait pas dans un ciel sans nuages. L’atmosphère était lourde déjà de rancunes et de colères. On vivait une période