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Le leader de l’extrême gauche, le puissant orateur qui avait porté de rudes coups au régime déchu, fendit la foule, se fit livrer passage et atteignit la tribune. Il fut d’abord accueilli par une redoublante bordée de clameurs. Le cri « à bas les Quinze Mille ! » fusa, pétarada, domina. C’était la preuve que, dans sa haine du parlementarisme, le peuple ne faisait pas de distinctions. Le tribun, dans le bruit déchaîné, donna de la voix, haussa le ton. D’abord, on le vit parler, plus qu’on ne l’entendit, tandis que ses mains se mouvaient en gestes apaisants, réclamant le silence.

Et voici que, comme de l’huile répandue sur les flots en colère, ses paroles apaisent les fureurs et les exaspérations déchaînées autour de lui. On veut écouter et, après quelques minutes, un calme relatif s’établit.

Avec son prestigieux don d’assimilation, le grand orateur définissait la situation, soulevait les voiles de l’avenir et esquissait le rôle désormais dévolu à ses amis. Il objurgua les députés de l’extrême gauche qui, tout à l’heure, parlaient de singer les révolutions du passé. Il les supplia de renoncer à leurs intentions, de ne pas diviser le prolétariat qui, dans les circonstances présentes, avait plus que jamais besoin d’être uni de pensées et de moyens :

« Les temps sont révolus, s’écria-t-il. Ayons le courage de voir et, sans fausse honte, sans acrimonie, nous, les parlementaires socialistes, reconnaissons-le : notre rôle est fini ! Nous avons creusé le profond sillon et semé la bonne graine qui a germé dru. Maintenant, le temps de la moisson venu, laissons