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et, de la foule, avec des gestes qui arrachaient les fusils aux mains des soldats, déferla, gronda, se répercuta l’appel : « Crosse en l’air ! »

Les officiers supérieurs tentèrent d’enrayer la défection imminente. Furieux, écumants, ils lançaient leurs chevaux au front des troupes : tantôt ils admonestaient les soldats factieux, leur promettaient le conseil de guerre, le poteau d’exécution…, tantôt se retournant vers la foule, ils menaçaient de la faire fusiller par les soldats…

Ces accès de rage, qui rappelaient la colère du général Lecomte, au 18 mars 1871, à Montmartre, ne firent que brusquer la révolte militaire : les soldats répondirent par le geste fatidique, et tendirent les mains au peuple. Et, au lieu d’une scène d’horrible carnage, ce furent des embrassades, une ruée de joie.

Le régiment se disloqua. Soldats et grévistes se donnèrent l’accolade, — tandis que les officiers (qui se remémoraient la scène de la rue des Rosiers) prenaient du large, sous le crépitement des balles saluant leur fuite.


De la place de la Nation, après une courte halte, soldats et grévistes se divisèrent en plusieurs colonnes, — qui par le faubourg Antoine, qui par le boulevard Voltaire, qui par l’avenue Philippe-Auguste — allant, bras dessus, bras dessous, avec une irrésistible force d’impulsion et d’entraînement.

Partout où ils passaient, c’étaient des cris d’enthousiasme, de frénétiques acclamations et, sur leur parcours,