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bayreuth sous hitler

ment industrielles, la misère est terrible… Nous verrons.

Voici onze mois que je n’avais couru l’Allemagne ; en une année bien des choses ont pu changer.

Bayreuth, que traversa Napoléon dans sa fameuse marche stratégique qui le conduisit à Iéna, une petite ville de 30 à 40 000 habitants, assez industrielle, déshonorée par de hautes cheminées d’usines, paisible, riante parmi les jardins fleuris, ceinte de fraîches forêts.

L’an de grâce 1933, « l’année de Wagner », comme on dit en Germanie, rassemble, sur la « Sainte Colline », ces pèlerins venus des quatre coins du monde. Wagner, dramaturge, musicien, poète et philosophe, répand toujours sur l’univers une fièvre admirative que les années semblent attiser encore. Cinquante ans ont passé sur la tombe du maître, et l’œuvre prodigieuse du poète-musicien se dresse sans une ride, dans une telle pureté de style, dans une telle harmonie de proportions qu’on ne peut concevoir ni imaginer œuvre humaine plus haute, d’une aussi vivante, frémissante et noble splendeur.

Le théâtre idéal que Wagner rêva, voulut et construisit, va connaître une fois de plus la gloire de représentations incomparables, écoutées dans le respect et la ferveur, encore que le festival ait comporté quelques erreurs légères.

Bayreuth est pavoisée en l’honneur du chancelier : une profusion d’oriflammes écartelés de croix gammées, les portraits du Führer voisinent avec les innombrables effigies de Wagner, la nouvelle Allemagne étale naïvement devant ses hôtes son audace et ses espoirs. Bayreuth est présentement un poste d’observatoire de choix.

Dans l’immense théâtre, dans la non moins vaste salle de restaurant où les tables sont prises d’assaut pendant les interminables entr’actes, où se montre le roi d’Espagne, le roi Ferdinand de Bulgarie, la princesse de Savoie, les ambassadeurs de France et d’Italie, le prince Auguste de Hohenzollern, les princes de la maisons de