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PRÉFACE.

cantons. La conquête d’une partie du royaume et la division qui s’en fit ensuite devoient amener de grands changemens dans les institutions politiques reçues en France sous l’empire des Romains. D’énormes impôts pesoient, depuis plusieurs siècles, sur les Gaulois, quand une royauté nationale commença enfin à remplacer la domination étrangère. On est effrayé en voyant le tableau de tous les maux que nos ancêtres éprouvoient à l’époque où écrivoit Salvien, quarante ans avant que Clovis montât sur le trône. Les ennemis, dit-il, sont moins cruels pour eux que les percepteurs des impôts ; l’événement le prouve, car ils fuient vers les premiers pour échapper aux exactions des seconds (a). Quelque pesant que soit le fardeau, on le supporteroit avec moins de peine, ajoute l’auteur, s’il étoit égal envers tous les citoyens ; mais pour soulager le riche, on écrase le pauvre (b) : une remise est-elle faite, elle n’est pas pour l’indigent ; l’indigent est toujours le premier quand on surcharge, et le dernier quand on soulage. César avoit dit, plusieurs siècles auparavant (c), que les nobles gaulois rejetoient la plus grande partie de l’impôt sur la classe pauvre, et que quand celle-ci, par ses efforts mêmes, étoit dans une impuissance absolue, il ne lui restoit de ressources que dans des travaux mercenaires en faveur de ceux qui l’opprimoient (d) ; les profits mêmes de l’exploitation ifétoient pas pour cette classe de la société : la noblesse y trouva une source nouvelle de prépondérance et de richesses. Les terres qui avoient fait partie du domaine impérial restèrent dans la possession des rois Mérovingiens. L’auteur de l’Histoire critique de l’établissement de la monarchie française dans les Gaules, Dubos, affirme (e), et dom Bouquet affirme d’après lui ffj, qu’ils y conservèrent en même temps tous les revenus dont avoient été en possession les empereurs romains. L’auteur des Observations sur l’histoire de France, Mably, prétend(gj qu’il n’y eut aucune sorte d’impôts à payer, et combat de toutes ses forces ce que Dubos avoit dit sur les revenus de nos premiers rois. En supposant qu’on puisse reprocher à ce dernier quelque exagération, elle est bien plus forte et bien plus étendue dans l’ouvrage du premier. Les Capitulaires qui nous sont restés ne peuvent laisser aucun doute, et je m’étonne d’une dénégation si absolue. Mably invoque en faveur de son opinion celle de Montesquieu. Montesquieu, en effet, sans aller aussi loin que l’auteur des Observations sur notre histoire, peut offrir un appui à son système (h) ; il pense que les Gaulois et les Romains vaincus continuèrent de payer les charges auxquelles (a) Leniores his hostes quant exactores, (c) Livre VI, S 13· et res ipsa hoc indicat : ad hostes jugiunt ut (d) Dedititios se divitum faciunt, vim exactorum evadant. De gubernatione Dei, (e) Livre II, ch. xiv, tome III, p. 484. livre V, chap. vii. (f) Page liij de la préface du tome II. (b) Pauperculos tributa divitum premunt, (g) Tome I.cr, p. 3 29. et inferiores ferunt sarcinas fortiorum. Ibid. (h) Livre XXX de i’Èsprit des lois , Voir le chap. vin. chap. xi et xii.