Page:Pastoret - Ordonnances des rois de France de la troisième race, tome 18.djvu/38

Cette page n’a pas encore été corrigée
xxxv
PRÉFACE.

Il est des cas que les lois avoient prévus et déterminés, dans lesquels ce n’étoit pas une portion de l’héritage, mais 1 héritage entier qui passoit dans le domaine du seigneur et en faisoit partie désormais. Ainsi la succession d’un bâtard lui appartenoit. « Si aucun illégitime a aucune chose au jour de son trépas, au seigneur appartient», disoit Boutillier [1]. Il venoit de dire : « A illégitime ne peut rien écheoir, ni de lui ne peut rien écheoir à un autre. » Les coutumes de Berry, de Nivernois, de Bourbonnois, d’Anjou, du Maine, de Blois, de Touraine, de Châlons, de Ponthieu, de Troyes, de Péronne, et plusieurs autres, Établissoient toutes le même droit. Louis IX [2] l’avoit consacré dans ses Établissemens. Nous avons fait connoître, dans le Discours préliminaire du tome XV, les modifications que d’autres coutumes et quelques édits de nos Rois y avoient apportées. Un assez grand nombre même de ces coutumes l’accordèrent au Roi seul, comme celles d’Arras, de Meaux, de Valois, de Bourgogne. Celles qui l’accordoient au seigneur ne le faisoient d’ordinaire que sous cette triple condition : être né dans la seigneurie, y avoir fait sa résidence, y être mort ; et l’on peut ajouter, que les biens laissés y fussent assis [3]. Quelques coutumes aussi bornèrent le droit du seigneur au cas où le bâtard seroit de condition servile [4].

La déshérence encore devint un droit seigneurial. La coutume de Paris, dont les dispositions étoient généralement adoptées, l’accordoit au haut-justicier toutes les fois que le propriétaire d’un héritage alloit de vie à trépas, sans hoirs apparens [5]. D’ordinaire, on attendoit un an et un jour ; si des parens se présentoient dans cet intervalle, on leur remettoit la succession ; s’il ne s’en présentoit pas, elle restoit au seigneur, les dettes préalablement payées [6]. Le haut-justicier avoit droit aux biens meubles comme aux immeubles. A plus forte raison, les vacans ou biens délaissés, abandonnés, devoient-ils lui appartenir. Il en étoit de même pour les épaves, ou les bestiaux qui s’étoient perdus, égarés, et dont le maître étoit inconnu, ainsi que pour les abeilles qui n’étoient pas poursuivies ; droit que plusieurs coutumes désignoient par abeillage, mot employé aussi dans quelques lieux pour exprimer un droit que le seigneur exerçoit sur les ruches des habitans : il pouvoit y prendre une quantité déterminée

Tome XVIII.
eij
  1. Somme rurale, tit. xcv.
  2. Liv. I des Etablissemens, chap. 97. Voir aussi le tom. I des Ordonn. p. 188, 189, 339, 574, art. 4, 557, vers la fin ; et La Thaumassière, Coutume de Berry, p. 618.
  3. Voir la cout. de Châlons, art. 13 ; celle de Reims, art. 335 ; celle de Vermandois, art. 4 ; celle de Touraine, art. 321 ; Bacquet, Droits de justice, ch. xxiii, p. 389 ; Henrion de Pansey, Diss. féod. tom. I, p. 238 et 239.
  4. Celle de Vitry, par exemple, art. 1, et celle de Meaux, art. 31.
  5. Coutume de Paris, art. 167. C’est aussi l’art. 344 de coutume d’Orléans.
  6. Voir les Ordonn. tom. VII, p. 312, art. 20.