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Mais appliquons ce mode de fermentation au paratartrate d’ammoniaque, et dans les conditions précédentes il fermente. Il se dépose la même levûre. Tout annonce que les choses se passent absolument comme dans le cas du tartrate droit. Cependant si l’on suit la marche de l’opération à l’aide de l’appareil de polarisation, on reconnaît bien vite des différences profondes entre les deux opérations. Le liquide primitivement inactif possède un pouvoir rotatoire à gauche sensible qui augmente peu à peu et atteint un maximum. Alors la fermentation est suspendue. Il n’y a plus trace d’acide droit dans la liqueur, qui évaporée et mêlée à son volume d’alcool fournit immédiatement une belle cristallisation de tartrate gauche d’ammoniaque.

Remarquons d’abord dans ce phénomène deux choses distinctes : comme dans toute fermentation proprement dite, il y a une substance qui se transforme chimiquement, et corrélativement, il y a développement d’un corps possédant les allures d’un végétal mycodermique. D’autre part, et c’est là ce qu’il importe de noter en ce moment, la levûre qui fait fermenter le sel droit respecte le sel gauche, malgré l’identité absolue des propriétés physiques et chimiques des deux tartrates droit et gauche d’ammoniaque, toutes les fois qu’on ne les soumet pas à des actions dissymétriques.

Voilà donc la dissymétrie moléculaire propre aux matières organiques intervenant dans un phénomène de l’ordre physiologique, et elle y intervient à titre de modificateur des affinités chimiques. Il n’est pas douteux le moins du monde que ce soit le genre de dissymétrie propre à l’arrangement moléculaire de l’acide tartrique gauche, qui est la cause unique, exclusive, de la différence qu’il présente avec l’acide droit, sous le rapport de sa fermentation.

Et ainsi se trouve introduite dans les considérations