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VI.

En 1850, M. Dessaignes, dont tous les chimistes connaissent l’ingénieuse habileté, annonça à l’académie qu’il était parvenu à transformer le bimalate d’ammoniaque en acide aspartique. C’était un progrès qui venait confirmer les résultats importants que M. Piria avait obtenus quelques années auparavant. M. Piria avait réussi à transformer l’asparagine et l’acide aspartique en acide malique. M. Dessaignes, à son tour, montrait qu’inversement on pouvait revenir de l’acide malique à l’acide aspartique.

Jusque-là rien que de très-naturel dans l’observation de M. Dessaignes, même au point de vue optique. Car de mon côté j’avais reconnu que l’asparagine, l’acide aspartique et l’acide malique étaient actifs sur la lumière polarisée. Le passage chimique de l’un de ces corps aux autres n’avait rien qui pût surprendre.

Quelques mois plus tard M. Dessaignes fit un pas de plus. Il annonça que non-seulement le bimalate d’ammoniaque, mais aussi les fumarate et maléate d’ammoniaque avaient également la propriété de se transformer par la chaleur en acide aspartique.

Ici je voyais une impossibilité ; ou, si la chose était telle que l’avançait M. Dessaignes, cet habile chimiste avait fait une découverte dont il ne se doutait pas. En effet, j’avais observé que les acides fumarique, maléique et tous leurs sels étaient sans action sur la lumière polarisée. Si donc M. Dessaignes avait réussi à transformer leurs sels d’ammoniaque en acide aspartique, il aurait réalisé pour la première fois la production d’un